< < Le souvenir d’une certaine image n'est que le regret d'un instant et les maisons, les routes, les avenues, sont fugitives, hé las, comme les anné es.> > -- Marcel Proust
The Kamakura Print Collection, Photogravure Etchings by Peter Miller
132. Le Pont Vieux. 25 x 19 cm (10 x 8" ) photogravure etching, Cool black & ochre etching inks on Ganpi collé d to Lana Gravure paper (2000) reflection of the past, an image softened but undimmed by time
134. Ré flexions, 25 x 19 cm (10 x 8" ) photogravure etching, Warm black etching ink on Ganpi collé d to Lana Gravure paper (2000)
135. Pré Catelan. 25 x 19 cm (10 x 8" ) photogravure etching, Cool black etching ink on Magnani paper (2000); a hiding-place where the bells of St-Jacques could be heard, with the church imagined from the play of light and shadow like a stained-glass window
131. La Vivonne. 17 x 23 cm (7 x 9" ) photogravure etching, Cool black etching ink on Magnani paper (2000) 'all the flowers of our garden, the water-lilies of the Vivonne, and the good people of the village, and their children, all were conjured into form and being from my cup of tea.'
147. Mont St-Michel. 25 x 19 cm (10 x 8" ) photogravure etching, Warm black etching ink on Kyokushi or Fabriano (2001) the ancient religious citadel connected to the Norman coast at low tide
151. Nuages et Moutons, 25 x 19 cm (10 x 8" ) photogravure etching, Burnt umber etching ink on Lana Gravure paper (2002) clouds and sheep with Mont St-Michel in the distance
106. Zaimokuza ・材木座。 25 x 18 cm (10 x 7" ) photogravure etching, Burnt umber etching ink on Rives BFK paper (1998) an image apparently from Meiji Japan (late 19th century), but actually from modern times
Series: Temples・寺; Dreamscapes・夢; Seascapes・海; Furusato ・ ふるさと; Pathways・道; Mongolia・モンゴル; Acts & Scenes・町; Unseen ・ 見残す
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< < En suivant ce chemin, on traversait une premiè re fois le cours de la Vivonne dix minutes aprè s avoir quitté la maison, sur une passerelle dite < < le Pont Vieux > > .
<< Un peu plus loin, dans certains fonds assez incultes et assez mysté rieux du parc [le Pré Catelan], la riviè re cessait d’ê tre une eau rectiligne et artificielle couverte de cygnes et bordé e d’allé es ou souriaient des statues, et, par moments, sautelante de carpes, passait à une allure rapide la cloture du parc, devenait une riviè re qui devait avoir un nom et ne tardait pas a s’é pandre (la mê me vraiment qu’entre les statues et sous les cygnes) entre des herbages ou dormait des boeufs et dont ell noyait les boutons d’or sortis de prairies rendues par elle assez maré cageuses et qui, tenant d’un cô te au village par des tours informes, resté es disait-on du moyen age, joignaient de l’autre, par des chemins montants d’eglantines et d’aubé pines, la nature qui s'é tendait à l’infini des villages qui avaient d’autres noms, l’inconnu. Je laissais les autres finir de goû ter dans le cas du parc au bord des cygnes et je montais en courant dans le labyrinthe jusqu’a telle charmille ou je m’asseyais le plant d’asperges, les bordures de fraisers, le bassin où certains jours les chevaux faisaient monter l’eau en tournant, la porte blanche qui é tait la fin du parc en haut et, au dela, les champs de bleuets et de coquelicots. Dans cette charmille, le silence é tait profond, le risque d’ê tre dé couvert est presque nul, la securité rendue plus douce par les cris é loignees qui, d’en bas, m’appelaient en vain, quelquefois mê me se rapprochaient, montaient les premiers talus, cherchant partout, puis s’en retournaient n’ayant pas trouveé alors plus aucun bruit seul, de temps en temps, le son d’or des cloches qui au loin par dela des plaines, semblait tinter derrié re le ciel bleu, aurait pu m’avertir de l’heure qui passait, mais surpris par sa douceur et troublé par le silence plus profond, vide des derniers sons, qui le suivait je n’é tais jamais sur du nombre des coups. ...Elles n’arrivaient au bout du parc que faibles et douces et ne s’adressant pas à moi, mais à toute la campagne, à tous les villages, aux paysans isolé s dans leur champ, elles passaient pres de moi portant l’heure aux pays lointains sans me voir, sans me contraindre, sans me dé ranger.> >
<< Bientô t le cours de la Vivonne s’obstrue de plantes d’eau.... faisant fleurir, dans les petits é tangs que forme la Vivonne, de veritables jardins de nymphé as. Comme les rives é taient à cet endroit tres boisé es, les grands ombres des arbres donnaient à l’eau un fond qui é tait habituellement d’un vert sombre mais que parfois, quand nous rentrions par certains soirs rassé ré né s d’aprè s-midi orageux, j’ai vu d’un bleu clair et cru, tirant sur le violet, d’apparence cloisonné e et de goû t japonais. Ç a et là , à la surface, rougissait comme une fraise une fleur de nymphé a au coeur é carlate, blanc sur les bords. Plus loin, les fleurs plus nombreuses é taient plus pales, moins lisses, plus grenues, plus plissé es, et disposé es par le hasard en enroulements si gracieux qu’on croyait voir flotter à la dé rive, comme aprè s l’effeuillement mé lancolique d’une fê te galante, des roses mousseuses en guirlandes denoué es. Ailleurs un coin semblait reservé aux espè ces communes qui montraient le blanc et le rose proprets de la julienne, lavé s comme de la porcelaine avec un soin domestique, tandis qu’un peu plus loin, pressé s les unes contre les autres en une vé ritable plate-bande flottante, on eut dit des pensé es des jardins qui é taient venues poser comme des papillons leurs ailes bleuatres et glacé es, sur l’obliquité transparante de ce parterre d’eau de ce parterre cé leste aussi: car il donnait aux fleurs un sol d’une couleur plu pré cieuse, plus é mouvante que la couleur des fleurs elles-mê mes et, soit que pendant l’aprè s-midi il fit etinceler sous les nymphé as le kalé idoscope d’un bonheur attentif, silencieux et mobile, où qu’il s’emplit vers le soir, comme quelque port lointain, du rose et de la reverie du couchant, changeant sans cesse pour rester toujours en accord, autour des corolles de teintes plus fixes, avec ce qu’il y a de plus profond, de plus fugitif, de plus mysterieux -- avec ce qu’il ya d’infini -- dans l’heure, il semblait les avoir fait fleurier au plein ciel.> >
<< Il y avait autour de Combray deux cô té s pour les promenades et si opposé s qu’on ne sortait pas, en effet, de chez nous par la mê me porte quand on voulait aller d’un cô té ou de l’autre: le cô té de Mé sé glise la Vineuse qu’on appelait aussi le cô té de chez Swann parce qu’on passait devant la proprié té de Swann pour aller par là , et le cô té de Guermantes.> >
<< Et dès que j’eû s reconnu le gô ut du morceau de madeleine trempé dans le tilleul que me donnait ma tante (quoique je ne susse pas encore et dusse remettre à bien plus tard de decouvrir pourquoi ce souvenir me rendait si heureux), aussitô t la vieille maison grise sur la rue, où é tait sa chambre, vint comme un dé cor de thé â tre s’appliquer au petit pavillon, donnant sur le jardin, qu’on avait construit pour mes parents sur ses derriè res (ce pan tronque que seul j’avais revu jusqu’au la) et avec la maison, la ville, depuis le matin jusqu’au soir et par tous les temps, la Place ou on m’envoyait avant dejeuner, les rues ou j’allais faire des courses, les chemins qu’on prenait si le temps é tait beau. Et comme dans ce jeu ou les Japonais s’amusents à tremper dans un bol de porcelaine remplis d’eau, de petits morceaux de papier jusque-là indistincts qui, à peine y sont-ils plongé s s’é tirent, se contournent, se colorent, se differencient, deviennent des fleurs, des maisons, des personnages consistants et reconnaissables, de mê me maintenant toutes les fleurs de notre jardin et celles de parc de M. Swann, et les nymphé as de la Vivonne, et les bonnes gens du village et leurs petits cela qui prend forme et solidité , est sorti, ville et jardins, de ma tasse de thé .> >
<< Soit que la foi qui cré e soit tarie en moi, soit que la ré alité ne se forme que dans la mé moire, les fleurs qu’on me montre aujourd’hui pour la premiè re fois ne me semblent pas de vraies fleurs. Le cô té de Mé sé glise avec ses lilas, ses aubé pines, ses bleuets, ses coquelicots, ses pommiers, le cô té de Guermantes avec sa riviè re à tetards, ses nymphé as et ses boutons d’or, ont constitué à tout jamais pour moi la figure des pays ou j’aimerais vivre, ou j’é xige avant tout qu’on puisse aller à la pê che, se promener en canot, voir des ruines de fortifications gothiques et trouver des blé s, ainsi qu’é tait Saint-Andre-des-Champs, une eglise monumentale, rustique et doré e comme une meule et les bleuets, les aubé pines, les pommiers qu’il m’arrive quand le voyage de rencontrer encore dans les champs, parce qu’ils sont situé s à la mê me profondeur, au niveau de mon passé , sont immé diatement en communication avec mon coeur.> >
La ré alité que j’avais connue n’é xistait plus.... Les lieux que nous avons connus n’appartiennent pas qu’au monde de l’espace où nous les situons pour plus de facilité . Il n’é taient qu’une mince tranche au milieu d’impressions contigues qui formaient notre vie d’alors le souvenir d’une certaine image n’est que le regret d’un instant et les maisons, les routes, les avenues, sont fugitives, hé las, comme les anné es.> >
-- Marcel Proust, A La Recherche du Temps Perdu